En un sens, Le Corps de ses ombres est un récit de voyage, une expédition à l'intérieur d'une oeuvre considérée comme d'un "classique" et qui aujourd'hui fait figure de "terre inconnue". Tout nous sépare de lui : sa pensée, sa théologie, l'époque, l'absolutisme louis-quatorzien : c'est justement cet éloignement extrême qui peut faire l'objet d'une curiosité voyageuse. Cet homme mort en 1704 serait-il notre contemporain ? Il ne s'agit donc pas d'un retour à Bossuet, mais d'un voyage de l'autre côté de la frontière. Paul Hazard disait : "La France s'endort avec Bossuet, elle se réveille avec Voltaire". Ce qui est intéressant, c'est de mesurer aujourd'hui la puissance d'impact d'une écriture extraordinairement aboutie. Il y a même là une étrange fraîcheur : les thèmes de Bossuet sont indépendants des "modes" : la mort, la puissance, l'ambition, l'amour. Bossuet est proche des grands moralistes de son siècle : La Rochefoucauld, La Bruyère, qui étaient ses amis. On s'aperçoit aujourd'hui, même après Freud, qu'il y a là le dépôt d'un certain savoir sur la condition humaine, nullement dévalué. Le livre fait le pari que ce regard croise quelques unes de nos préoccupations spirituelles majeures. Bossuet, à sa manière, sombre, définitive, est le plus étrange de nos contemporains.
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