Harpagon n'a jamais quitté l'affiche. Il a endossé tous les costumes, pris les traits les plus divers, changé d'emploi bien souvent. On l'a vu pathétique, bouffon, tragique, méchant, shakespearien, halluciné, délirant, clownesque, victime parfois. Au prodigieux spectacle de ce bourgeois et affairiste richissime, de cet usurier possédé tyrannisant une famille charmante, faut-il rire ou pleurer ? Faut-il plaindre ou haïr ce forcené qui enterre son or et ne donne jamais mais " prête " le bonjour ?
Molière était le meilleur, le plus aimable et généreux des hommes. Son public lui réclamait des farces et des bouffonneries. Mais son génie comique cachait mal un des auteurs les plus noirs et les plus féroces de tous les temps, l'inventeur de ces monstres d'égoïsme, de ces névrosés d'Alceste, Don Juan, Arnolphe, et de cet Harpagon, nos semblables, nos frères.
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