On finira essoufflé, on aura perdu tout rapport au réel le plus simple. On aura traversé des crimes sordides, on aura traversé les lieux les plus secrets du vieux ghetto de Prague, pièces secrètes et passages mystérieux. On aura croisé des personnages au bord de la folie, d'autres qui s'immergent dans le plus haut de la mystique juive, un brocanteur aux étranges trafics, un livre de magie à déchiffrer, et le narrateur qui lui-même est peut-être l'énigme la plus décisive : n'obtient pas qui veut, dans un roman fantastique, de vous faire frissonner lorsque le narrateur découvre son double face à face.
Publié par Gustav Meyrink en 1915 (et la chance de cette belle traduction de Denise Meunier, en 1929, devenue elle aussi un classique), le Golem sera décisif pour Kafka et ses amis. Stylistiquement aussi : s'il n'avait pas été le traducteur tchèque de Dickens, est-ce que Meyrink aurait pu faire surgir ainsi ses personnages à travers les pages, de la même façon qu'il leur fait littéralement traverser les murs ?
Et ce serait bien dommage, dans nos lecture numériques, de ne pas nous offrir nous aussi une bonne lampée de ces meilleures peurs, celles qui naissent du livre terrifiant... Les amoureux de Prague y retrouveront l'enchantement mystérieux de la ville. Pour les autres, bonne nuit blanche.
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