Alors que Napoléon est occupé à faire l’Histoire, que Goethe fait éclore Faust et que Hegel esquisse son système philosophique, Friedrich Hölderlin, le grand poète allemand, sombre dans ce qui est peut-être la folie la plus célèbre de l’histoire de la littérature. Est-ce pour le plaisir de s’infliger un confinement de 36 années qu’Hölderlin vivra en reclus jusqu'à sa mort, locataire d’un charpentier dans une tour surplombant le Neckar ? Sa vie se divise exactement en deux moitiés : 36 ans de 1770 à 1806 et 36 ans de 1807 à 1843. Si dans la première moitié le poète vit dans le monde et participe dans la mesure de ses forces aux événements de son temps, la seconde moitié de son existence se passe entièrement en dehors du monde, comme si un mur le séparait de toute relation avec les événements extérieurs. Pour notre époque qui perd de vue la distinction entre les sphères, la vie d’Hölderlin est la prophétie de quelque chose que son siècle ne pouvait penser sans frôler la folie.