Porteuse d’une dimension biologique irréductible, la mort se trouve néanmoins profondément ancrée dans le social et l’organisation politique des sociétés. Agissant comme un révélateur des cultures et des sociétés, elle constitue une fenêtre, un miroir grossissant, qui donne à voir les normes et les valeurs prédominantes à une époque et dans un espace donnés (Schniewind, 2016; Déchaux, 2001; Ariès, 1975; Thomas, 1975). Le rapport à la mort et la façon dont les mourants et les morts sont traités, dans une société, nous renseigne sur son organisation sociale, ses structures politiques, ses choix moraux (Clavandier, 2009). Le fait de s’intéresser au rapport à la mort de groupes minorisés et à la façon dont sont traitées les personnes mourantes et décédées issues de ces groupes offre une voie d’accès à la place que ces personnes occupent dans cette organisation sociale, au regard qui est porté sur elles et qu’elles portent sur elles-mêmes, à titre d’êtres vivants. Ce rapport est aussi intériorisé par les individus dont la subjectivité est toujours en relation avec l’autre et les espaces symboliques qui leur préexistent. Ainsi, les identités, les manières de se penser et de se vivre dans son corps, les projets de vie et de mort, le rapport à la finitude se construisent dans ce processus tant social que subjectif; dans cette construction, la question du genre s’avère un axe fondamental. En effet, le genre organise les rapports sociaux, distribue les hiérarchies, les pouvoirs et les reconnaissances. Le genre est un système politique et la question posée dans ce numéro concerne la façon dont le rapport à la mort, social, politique, subjectif s’exprime pour ses dissidents et dissidentes, celleux qui ne se conforment pas à la binarité du système, soit les personnes trans et non binaires.