Romain Rolland (1866-1944)
"Pierre s’engouffra dans le Métro. Foule brutale et fiévreuse. Debout, près de l’entrée, serré dans un banc de corps humains et partageant l’air lourd qui passait par leurs bouches, il regardait sans les voir les voûtes noires et grondantes sur lesquelles glissaient les prunelles luisantes du train. En son esprit étaient les mêmes ombres, les mêmes lueurs, dures et trépidantes. Étouffant dans le collet de son pardessus relevé, les bras collés au corps et les lèvres serrées, le front moite de sueur et, par moments, glacé par une bouffée du dehors quand la portière s’ouvrait, il tâchait de ne pas voir, il tâchait de ne pas respirer, il tâchait de ne pas penser, il tâchait de ne pas vivre. Le cœur de ce jeune garçon de dix-huit ans, presque un enfant encore, était plein d’un obscur désespoir. Au-dessus de lui, au-dessus des ténèbres de ces voûtes, de ce trou de rat où filait le monstre métallique, grouillant de larves humaines, – était Paris, la neige, la nuit froide de janvier, le cauchemar de la vie et de la mort, – la guerre.
La guerre. Il y avait quatre ans qu’elle s’était installée..."
Dans les derniers mois de 1918, Pierre doit bientôt partir à la guerre. A Paris, dans le métro, il rencontre Luce : les deux jeunes gens tombent amoureux. Ils décident de vivre leur amour sans se soucier du conflit et des tragédies qui les entourent...
Court roman.