Prenant prétexte de leurs recherches sur les populations côtières de la Bretagne méridionale et sur les métiers de la petite pêche, de la saliculture et de la conchyliculture, les auteurs, Geneviève Delbos, sociologue rurale, et Paul Jorion, anthropologue, se livrent à une ample réflexion sur la transmission des savoirs empiriques, mais aussi scientifiques et scolaires. Dans ces activités où le métier s'acquiert sur le tas au sein de l'environnement familial, ce n'est pas tant du savoir qui se transmet, mais du travail. Aujourd'hui l'apprentissage se double d'un enseignement scolaire. La pratique s'en trouve-t-elle améliorée ? Et, sinon, ne faut-il pas chercher la raison de cet échec dans le rapport ambigu que le savoir scolaire entretient avec la science ? Le savoir empirique ne se transmet pas, mais il se reconstitue cependant à chaque génération. Les auteurs mettent en évidence le mécanisme complexe par lequel une expérience privée se bâtit, tendant vers une maîtrise imaginaire, et confortée à chacune de ses étapes par la reconnaissance accordée à l'ouvrage bien faite. Savoir approprié à son objet, le savoir empirique n'en est pas moins essentiellement humain, et à ce titre soumis aux distorsions que lui imprime le champ de l'espoir. Le mérite essentiel de cet ouvrage réside sans doute dans la synthèse réussie qu'il opère entre le sociologique et le psychologique, les révélant chacun comme l'un des éclairages portés sur la machinerie complexe du renouvellement des générations. On découvrira ainsi comment la reconstitution du savoir dans l'expérience privée de chaque producteur explique à la fois les stratégies démographiques des communautés paysannes et l'équilibre délicat qui préside à leur reproduction.