Saint-Germain-des-Prés : c’était un royaume, clos par une invisible muraille, où nous avons vécu notre après-guerre. Saint-Germain-des-Prés : c’est un champ de ruines couvert de colonnes rompues, de temples détruits et de stèles aux inscriptions à demi effacées. Je m’y suis promené au cours d’une longue nuit et j’y ai suivi la trace d’une étrange créature, faite de chair et de rêves, qui m’a entraîné dans son sillage tout phosphorescent de souvenirs. Alors, je suis devenu le chasseur nocturne d’une proie-fantôme à laquelle ce roman donne le nom de Pierre Montcel, vieil et illustre écrivain auquel je prête un passé où se brouillent les fascinations de cette Iliade que fut notre après-guerre et un présent en forme d’Odyssée dont il est le héros enchanté de mensonge, de secret et de gloire. Et ce fut une longue poursuite qui prenait parfois les allures d’une procession ; et ce fut une obscure corrida au cours de laquelle le toro déchira mon habit. Mais j’ai voulu, avec ce monstre imaginaire, lier une série de passes, une nuit, en plazza de Saint-Germain-des-Prés. Quant à l’estocade, ce n’est rien qu’une tache d’encre qu’elle laisse sur le sable. Rien que ce roman. Enfin, comme le voyageur odysséen, Pierre Montcel s’appelle Personne et, d’ailleurs, ainsi que vous le savez, tous les toros nobles se ressemblent : ils sont noirs.