Il y a quelques années, un Forum Philo Le Monde/ Le Mans entièrement consacré au thème de la "peur" aurait été impensable. Trop étroit, ou trop sombre. Pourtant, lorsque cette idée a été suggérée à l’automne 2016, la réaction a été unanime : ce qui aurait naguère suscité une réticence relevait maintenant de l’urgence. La peur s’imposait comme une évidence. Est-ce un effet des attentats djihadistes ? Le résultat de la précarité sociale, des nouvelles tensions géopolitiques ou des multiples dérèglements climatiques ? Quoi qu’il en soit, la peur est là, multiforme et solide. Plutôt que de l’écarter d’un revers de main en affirmant qu’elle est sans objet ou qu’elle relève d’une orchestration politique (le fameux "gouvernement de la peur"), il convient de l’affronter. L’enjeu importe. En effet, si la crainte est classiquement envisagée comme le ressort du despotisme, la communauté de la peur ne saurait tenir lieu de communauté politique. D’où la nécessité de la surmonter, ou du moins de la déconstruire. Des philosophes, des historiens mais aussi des écrivains, un comédien, un cinéaste et même un artiste de cirque ont tenté de penser cet effroi collectif qui entrave le présent et menace d’annuler l'avenir. Voici le fruit de leurs réflexions.