Économiste, démographe, sociologue de réputation mondiale, Alfred Sauvy prend aujourd’hui le temps de se souvenir. Au cours d’une longue carrière, qui débute sous la IIIe République, l’auteur de l’Histoire économique de la France entre les deux guerres (parmi beaucoup d’autres ouvrages) a connu ou rencontré les personnalités les plus importantes chargées du gouvernement de la France. Il fut le collaborateur de Paul Reynaud, dont il trace un portrait lucide et tout en finesse, celui de Jean Monnet ; ses conseils aux moments les plus dramatiques de notre histoire — le Front populaire, Munich, la guerre 1934-1945, l’occupation allemande, l’après-guerre — furent sollicités par des hommes aussi éminents qu’Édouard Daladier ou Pierre Mendès-France. Certes, son action auprès des gouvernements et des ministères se situe-t-elle surtout dans les coulisses. Mais, à travers le récit de ces entretiens, de ces scènes vécues dont beaucoup sont révélées pour la première fois au public, c’est un peu le tableau des mutations que la France a connues depuis 1934 à nos jours qui se déroule sous nos yeux. En homme de science et de raison, Alfred Sauvy constate que le pouvoir économique est une notion récente et qu’en tout état de cause il doit s’effacer devant le pouvoir politique. Ces souvenirs contribueront à éclairer d’un jour nouveau ces questions fondamentales. À ce niveau, la « petite histoire » devient une leçon d’histoire.