Le présent livre constitue un dossier dont l’intérêt est double : d’une part, il porte sur un ensemble de problèmes cruciaux de notre époque, ceux de l’inégalité de développement des différents pays et des contradictions qui en résultent, ceux des conditions des échanges internationaux, ainsi que sur le problème de l’impérialisme, de sa nature et de ses effets ; d’autre part, il permet de faire apparaître, par la rigueur même avec laquelle A. Emmanuel expose ses thèses, en quoi consiste la ligne de démarcation qui sépare deux sortes de positions sur ces problèmes. Cette ligne ne nous concerne pas seulement, A. Emmanuel et moi-même, mais aussi un très grand nombre d’économistes ou de militants. Il est donc très important d’en souligner l’existence et non de la masquer. Je crois que l’on peut dire que, si Ricardo est l’économiste précritique qui, en général, avait été le plus loin dans une élaboration théorique, A. Emmanuel a été plus loin encore, sans cependant « couper » avec les notions ricardiennes fondamentales. A. Emmanuel a pu effectuer cette percée remarquable parce qu’il a su investir, en les transformant comme je l’ai dit plus haut, certains concepts de Marx dans une démarche de type ricardien. Même ainsi transformés, les « concepts marxistes » ont pu continuer à produire des propositions du plus haut intérêt. Désormais, c’est à partir de là qu’il faudra avancer, en procédant à une transformation critique des propositions ainsi élaborées. La structure de ce dossier est la suivante : le corps en est constitué par l’exposé que fait A. Emmanuel de ses propres thèses. Cet exposé est suivi d’un ensemble de « remarques théoriques » que j’ai rédigées en tant que directeur de la collection, puis d’une « réponse » d’A. Emmanuel à ces « remarques théoriques ». Bien entendu, cette « réponse », pas plus que ce que j’en dis dans cette présentation, ne peut prétendre à « clore » un « débat » qui n’a pas pu s’ouvrir et qui ne peut donc être clos, étant donné précisément la ligne de démarcation qui sépare les thèses en présence. Charles Bettelheim