La nuit est le manteau des pauvres, écrit en 1946 et 1947, et publié en 1948, est le premier roman de Claude Roy. Le narrateur s'attache à une amnésique, Maria. Qui est-elle ? Maria Concepcion Rodriguez, qui s'était cachée dans une grotte, pendant la guerre civile d'Espagne et, à onze ans, avait été violée par les Mores de Franco ? Maria Livernèze, qui avait été une merveilleuse petite fille, dan un village de Charentes, avant de devenir putain ? Maria Plaizac qui, en juin 1940, sous les bombes, poussait dans une brouette le corps de son mari mort ? Maria Lewisham, fille de bonne famille anglaise, parachutée en France, pourchassée par la Gestapo? Maria Bontempi, Italienne bannie de son village et qui fInit dans un cirque, en Norvège, avec pour compagnon un dromadaire? Maria von Suchenwirth, pianiste viennoise réduite à la misère par la folie de son oncle? Maria la Russe envoyée dans un bordel de la Wehrmacht ? Ou bien quelqu'un d'autre? Celui que Maria se met à aimer meurt avant qu'elle ait retrouvé la mémoire. Qu'importe si elle se souvient ensuite qui elle était. Ce n'est pas celle-là qu'il a connue. C'est toujours la même histoire, recommencée sur des tons et des rythmes différents. Mais c'est bien plus. Les destins de Maria ne s'additionnent pas. Ils se multiplient. Dans La Nuit... comme dans tous les romans de Claude Roy, on trouve l'obsession du paradis à deux, de l'île où les amants oublient le monde, mais le monde ne se laisse pas oublier si facilement. Ici Georges et Marie, enfants, ont découvert une maison chinoise abandonnée. Un peu plus loin le narrateur et Maria l'amnésique ont droit à quelques jours de bonheur dans un hameau perdu. "Et quand notre bonheur fut le plus parfait, je décidai alors qu'il me fallait partir."