Rassembler le phénomène artistique dans un concept global participe davantage d’une volonté de confrontations singulières que d’une évaluation objective des catégories qui fondent aujourd’hui les relations création et transmission. Nul doute que le débat risque à tout moment de détourner, à dessein, la question initiale, métaphore du geste symbolique de celui qui lance une bouteille à la mer. Et pourquoi pas ? Dans L’art : créer, transmettre, il ne faut pas nécessairement saisir une volonté de fusion, mais plutôt la tentative d’exprimer des trajectoires virtuelles, où le pas à pas est aussi important que la globalité. Gestes fragmentaires ou accidentés, les chemins qui mènent vers la création sont soumis à une logique du chaos, du détournement, de la perte et de l’interprétation. Pourquoi alors prendre le risque de réserver un espace de réflexion privilégié à un sujet aussi complexe et protéiforme ? Par désir et conviction que la monotonie des discours théoriques ayant pour vocation de spéculer sur ou autour de l’œuvre d’art ont besoin, à leur tour, d’être accidentés par des témoignages qui sont comme autant d’empiries à transmettre, ou du moins, à exprimer dans un territoire commun, où l’auteur engage son expérience et le lecteur sa curiosité. Danielle Cohen-Lévinas