Avant la prise de la Bastille, Saint-Just, jeune étudiant en droit, démontre dans un long poème satirique, Organt, "l'analogie générale des mœurs avec la folie". La Révolution sera pour lui une remise en cause non seulement du monde politique, mais de la condition humaine. Son ultime raison d'être, il la livrera quelques jours avant de mourir dans ces phrases célèbres : "Je méprise la poussière qui me compose... Mais je défie qu'on m'arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et sous les cieux." Comment Saint-Just en est-il venu là ? Quels chemins a-t-il suivis, quels combats a-t-il livrés, pour ne plus trouver d'espérance qu'en l'au-delà ? La Franc-Maçonnerie d'alors semble avoir influencé sa pensée et servi son accession au pouvoir. (Mais ce rigoriste était aussi un sentimental : la rupture qui mit fin à son premier amour devait lui inspirer l'esquisse d'un roman autobiographique qui nous est ici révélé.) Des pièces récemment déchiffrées établissent le bien-fondé des réquisitoires de l'accusateur du roi, de Hébert, de Danton, au nom du Comité de salut public. La divergence aperçue par Albert Ollivier entre Robespierre et Saint-Just, dans le dernier trimestre, éclaire d'un jour nouveau le 9 Thermidor et détruit la légende d'un triumvirat dominant jusqu'au bout le Comité. Ainsi dégagée des images d'Épinal pro ou anti-révolutionnaires, l'histoire de la Terreur autour d'un jeune homme qui croyait en ses idées paraît encore plus pathétique. Il est peut-être excessif de dire : "Il n'y a pas de grands hommes, il n'y a que de grands conflits." Mais il est vrai que la valeur d'un homme tient à sa manière "d'éprouver, d'exprimer un grand conflit, et d'y répondre". Du point de vue qu'il exprime par ces mots, Albert Ollivier a mis en valeur des aspects inconnus – et passionnants – non seulement de "l'Archange de la Terreur", mais de la révolution elle-même. Il a fait œuvre de philosophie en même temps que d'historien.