Je ne suis qu’un pauvre être ; au milieu des humains
Je marche solitaire ;
Je n’ai personne, hélas ! pour me tendre les mains,
Pas un ami sur terre ;
Autrefois, cependant, lorsque dans la maison
De mon vénéré père,
Du matin jusqu’au soir résonnait ma chanson,
J’étais un gai compère ;
Mais, du moment où j’ai conduit mes bons parents
Au morne cimetière,
En mon âme ont germé les soucis dévorants,
Et la tristesse amère ;
Je vois de l’opulent les jardins se couvrir
De mille fleurs vermeilles,
Tous les ans, je revois les blonds épis jaunir,
Je vois fléchir les treilles ;
Sur mon sentier à moi, la douleur a passé
Et jamais rien n’y pousse ;
Pas un brin d’herbe n’a dans les cailloux percé,
Pas même un peu de mousse ;
Je traverse à grands pas le monde insouciant,
Sans jeter un murmure ;
Et, le sourire au front, je cache, en l’étanchant,
Le sang de ma blessure ;
Pourtant tu ne m’as pas laissé, Dieu tout puissant,
Au seul chagrin en proie ;
Car, ici-bas, pour tous, coule du firmament
Une source de joie.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.