Louis Althusser est mort le 22 octobre 1990. Après dix ans d'isolement, consécutif au meurtre de sa femme Hélène en 1980, l'auteur de Montesquieu, la politique et l'histoire, de Pour Marx, de Lénine et la philosophie, de Philosophie et philosophie spontanée des savants, ne faisait plus lui-même partie du paysage intellectuel français. Pourtant, par delà le déclin du structuralisme, dont il était considéré comme l'un des fondateurs (aux côtés de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault), par delà la crise du socialisme et du marxisme dont - au prix de controverses passionnées - beaucoup voyaient dans ses écrits la refondation, sa trace intellectuelle est loin d'être effacée. Dans ce recueil, Étienne Balibar, qui fut l'élève et l'ami du philosophe, rassemble quatre écrits sur Althusser et pour lui, qui s'échelonnent de 1977 à 1990. Il s'agit d'un adieu public, où se mêlent la discussion conceptuelle et l'évocation personnelle. Il s'agit, surtout, de commencer à évaluer l'héritage du théoricien qui, plus que tout autre, a voulu combiner la modernité philosophique avec l'engagement communiste : depuis sa conception de la science (issue d'une refonte de l'épistémologie bachelardienne) et de l'idéologie (avant tout nourrie de Spinoza et de Freud), jusqu'à celle de la révolution (qui joue Marx contre lui-même). Au rebours de l'image dogmatique qui continue de prévaloir, l'accent est mis sur les tensions et les contradictions qui n'ont cessé de maintenir ouverte la pensée d'Althusser et sur l'urgence des questions qu'elle pose.