Communications présentées lors du colloque d'Aubervilliers, 6 juin 2015. L'enseignement des valeurs républicaines ne saurait se passer d’une élucidation de leurs fondements philosophiques et historiques. Au lieu de s’installer dans le dogmatisme scientiste d’une raison occidentale certaine de ses représentations, de ses croyances et de ses valeurs, mieux vaudrait accepter la position – seule intellectuellement conséquente – d’un comparatisme informé. Choisir d’enseigner le « fait religieux » reviendrait à réduire la diversité mythologique aux seuls trois monothéismes, en ignorant, du fait d’un ethnocentrisme dommageable, que toute explication mythique n’est pas nécessairement religieuse. En effet, le concept de « fait religieux » est une universalisation artificielle et factice. Enseigner l’anthropologie et la mythologie en adoptant la position comparatiste, ni subjectiviste, ni communautariste, est la condition sine qua non d’une laïcité en acte. Pour élucider les conditions théoriques et pratiques d’un tel enseignement, il nous paraît utile de rappeler d’abord que, si « la pensée rationnelle a un état civil », comme le disait Jean-Pierre Vernant, les valeurs républicaines ont également une naissance, une histoire, et s’enracinent dans des mythologies qui, à force de nous sembler naturelles, nous deviennent inconnues. Peut-être faut-il, alors, interroger les usages sociaux et culturels du passé, en posant les fondements d’une anthropologie de la mémoire, qui interrogerait les rapports entre Mnémosyne et Clio. Si les mythologies s’inscrivent dans la croyance en une mémoire partagée, elles ne peuvent exister en dehors de la langue : les mots disent les représentations du monde, au point tel qu’il faut interroger les intraduisibles, non pas pour les réduire, mais pour rendre fécond le dialogue interculturel qu’impose l’intraduisible à toujours retraduire. Tout ce qui se raconte est pétri de mythologie : si l’éducation ne vient pas élucider les soutènements mythiques des représentations actuelles, on court le risque de considérer certaines reprises archaïsantes comme novatrices, en ignorant d’où elles viennent et ce à quoi elles conduisent. On risque également de confondre mémoire collective et discours sur la mémoire, de prendre pour culture commune ce qui relève en réalité d'un regard ethnocentrique. Le péril est alors de ne pas disposer des outils permettant l'approche critique de représentations qui prétendent renouveler notre vision du monde, alors qu’elles ne font en réalité que recycler d’anciens mythèmes. Ces outils, seules les sciences sociales, et en particulier l’anthropologie, sont à même de nous les fournir. Fort de ces analyses, on doit pouvoir montrer la nécessité d’un enseignement de l’anthropologie dans le cadre scolaire, qui, dès la prime enfance, doit être le lieu d’une constitution sereine et lucide des identités. Contributions de Christian Baudelot, Joël Candau, Barbara Cassin, Chantal Deltenre, Philippe Descola, Stéphane François, Maurice Godelier, Nicolas Grimal, Françoise Héritier, Bernard Lahire Jean-Loïc Le Quellec, Catherine Robert, Fabien Truong.