La volonté de rompre - avec le « désordre établi », l'existentialisme, le Pcf...- a colonisé les manifestes fondateurs des revues. Elle a fixé un contrat de lecture qui s'est figé en horizon d'attentes. En privilégiant l'ample reconstitution de trajectoires ou les micro-récits exemplaires, les huit études réunies soulignent la plasticité des revues et la dynamique féconde des conflits et des ruptures. Maillon irremplaçable de la vie intellectuelle, à l'interface du monde du texte et du monde des auteurs, elles arpentent alors le vingtième siècle en balisant des problématiques décisives : révolution et communisme, totalitarisme et démocratie. Elles balayent aussi le spectre idéologique. Du pôle traditionaliste incarné par l'itinéraire de René Guénon à l'extrême-gauche de Socialisme ou Barbarie, de multiples nuances se dessinent : libertariens du Québécois Libre, mouvance libérale et aronienne de Contrepoint, catholicisme social de la revue Politique ou personnalisme d'Esprit, gauche critique de Textures puis Libre, existentialisme des Temps Modernes, radicalité esthétique et politique de Tel Quel, expérience participative de Porto Alegre. Cette mosaïque contrastée témoigne enfin de la vitalité et de la pérennité d'un genre. La montée en puissance des hebdomadaires et de la télévision n'a pas relégué celui-ci au rang d'accessoire ou de fétiche. Plus encore, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, et en particulier internet, ont ouvert un espace illimité ou blogs et webzines peuvent proliférer désormais dans une anarchie joyeuse.